voici pourquoi la CPI est incomptente pour juger le President L GBAGBO
ICC-02/11-01/11 1/79 24 mai 2012 Original : francais N¡Æ : ICC-02/11-01/11 Date : 24 mai 2012 LA CHAMBRE PRELIMINAIRE I Composee comme suit : Mme la juge Silvia Fernandez de Gurmendi, juge president M. le juge Hans-Peter Kaul Mme la juge Christine Van den Wyngaert SITUATION EN COTE D¡¯IVOIRE AFFAIRE LE PROCUREUR c. LAURENT GBAGBO Publique avec 15 annexes publiques et 37 annexes confidentielles Requete en incompetence de la Cour Penale Internationale fondee sur les articles 12 (3), 19 (2), 21 (3), 55 et 59 du Statut de Rome presentee par la defense du President Gbagbo Origine : Equipe de la Defense du President Gbagbo ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 1/79 EO PT ICC-02/11-01/11 2/79 24 mai 2012 Document a notifier, conformement a la norme 31 du Reglement de la Cour, aux destinataires suivants : Le Bureau du Procureur M. Luis Moreno-Ocampo, Procureur Mme Fatou Bensouda, Procureur adjoint Le conseil de la Defense Me Emmanuel Altit Me Agathe Bahi Baroan Me Natacha Fauveau Ivanovic Les representants legaux des victimes Les representants legaux des demandeurs Les victimes non representees Les demandeurs non representes (participation/reparation) Le Bureau du conseil public pour les victimes Le Bureau du conseil public pour la Defense Les representants des Etats GREFFE L¡¯amicus curiae Le Greffier Mme Silvana Arbia Le Greffier adjoint M. Didier Daniel Preira La Section d¡¯appui aux conseils L¡¯Unite d¡¯aide aux victimes et aux temoins La Section de la detention La Section de la participation des victimes et des reparations Autres ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 2/79 EO PT ICC-02/11-01/11 3/79 24 mai 2012 A titre liminaire : sur la classification de la requete 1. La presente requete est publique ; certaines des annexes jointes a cette requete sont classees confidentielles, accessibles uniquement aux parties conformement a l.article 23 bis du Statut de Rome. Concernant le niveau de classification des annexes : - Les annexes 6 et 7 et 23 ont ete classees confidentielles en vertu de l.article 23 bis car l.etat de sante du President releve de sa vie privee et est protege par le secret medical1 ; - L.annexe 8 . rapport du medecin expert du 31 mars 2011 . a ete classee confidentielle et expurgee par decision de la Chambre du 23 mai 20122 ; - Les annexes 4 et 13 ont ete classees confidentielles en vertu de l.article 23 bis car la divulgation de la teneur des attestations et du nom de leurs auteurs mettrait gravement en danger ceux-ci. Il s.agit en effet de questions cruciales portant sur le processus d.appropriation du pouvoir par une faction politique et sur la realite des menaces pesant sur les Juges et les Avocats ; - Les annexes 5, 9, 10, 11, 12, 25 a 44, 46 a 49 et 52 ont ete classees confidentielles en vertu de l.article 23 bis car la revelation du nom des auteurs, des destinataires ou des personnes mentionnees dans ces courriers ou documents judiciaires pourraient les mettre gravement en danger en revelant leur role dans la mise en cause des Autorites ivoiriennes. I. FAITS ET PROCEDURE 2. A l.issue du second tour des elections presidentielles tenu le 28 novembre 2010, le Conseil constitutionnel proclamait le 3 decembre 2010 Laurent Gbagbo President de la Republique de Cote d.Ivoire (Cf. annexe 1) ; il pretait serment le 4 decembre 2010 (Cf. annexe 2) et a pris ses fonctions de President de la Republique. 3. En janvier 2011, des elements rebelles armes prenaient le controle d.Abobo, un quartier d.Abidjan. A la mi-mars 2011, des colonnes rebelles passaient la ligne de demarcation entre le nord (sous controle des forces rebelles depuis le 19 Septembre 2002) et le sud, sous 1 Le President Gbagbo a donne son accord pour la communication des elements relatifs a sa condition medicale a la Chambre Preliminaire et aux parties (annexe 23). 2 Decision on the "Prosecution's preliminary requests in relation to Defence request for interim release", 23 mai 2012, ICC-02/11-01/11-126-Conf, par. 15. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 3/79 EO PT ICC-02/11-01/11 4/79 24 mai 2012 controle des Autorites legitimes. L.armee ivoirienne se repliait sans combattre. En quelques jours, les colonnes rebelles appuyees par l.ONUCI et les forces francaises atteignaient Abidjan et entraient dans ses faubourgs le 27 mars 2011. 4. Le President Gbagbo se refugiait a la Residence Presidentielle, dans le quartier de Cocody, le 25 mars 2011. C.est un homme age et deja fatigue par des mois de crise qui fait face a un siege. Son medecin se trouve a ses cotes et s.assure qu.il prend les medicaments adequats pour traiter notamment son hypertension. Le President est rejoint par de nombreux civils desarmes qui s.installent dans les jardins de la Residence. A noter que, dans les locaux de la Residence, se trouvent des familles de fonctionnaires et du personnel. Il y a la notamment une vingtaine d.enfants. 5. Du 1er au 4 avril 2011, la Residence est l.objet de bombardements par helicopteres. Les bombardements reprennent de maniere plus intense le 8 avril alors que toute resistance officielle a cesse. D.ailleurs les militaires de l.armee ivoirienne n.opposent plus dans le pays aucune resistance. 6. Le 10 avril 2011 dans la journee, les bombardements de l.artillerie et des helicopteres redoublent d.intensite. Les habitants de la Residence comptent de nombreux morts et les blesses sont soignes, dans des conditions tres difficiles, dans une infirmerie de fortune organisee a l.interieur de la Residence. 7. La situation s.aggrave alors a la Residence ou vivres et medicaments font defaut ; les blesses ne peuvent etre soignes dans des conditions decentes, d.autant que, chaque heure qui passe augmente le nombre de victimes. Les medecins doivent faire face a un afflux ininterrompu de blesses, soit victimes des bombardements, soit victimes des francs-tireurs embusques aux alentours. Le niveau de fatigue et de stress est considerable pour tous ceux qui vivent ces heures dramatiques. 8. Dans la nuit du 10 au 11 avril, les bombardements continuent et les survivants tentent de leur echapper en fuyant de piece en piece. Au petit matin, l.assaut est donne par les forces speciales francaises venues de l.Ambassade toute proche, bientot remplacees par des groupes de rebelles, lesquels sont les premiers a penetrer dans les ruines de la Residence. Des hommes sont tues devant le president Gbagbo, d.autres . dont son fils et son medecin . sont battus devant lui. Il est lui-meme humilie par les assaillants. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 4/79 EO PT ICC-02/11-01/11 5/79 24 mai 2012 9. Pendant que le President Gbagbo est emmene a l.hotel du Golf, quartier general des rebelles, les executions de ses partisans faits prisonniers se poursuivent. A l.hotel du Golf, le President Gbagbo fait l.objet de menaces et est soumis a des pressions. 10. Le 13 avril 2011, apres accord des responsables francais et onusiens, le President Gbagbo est transfere dans le nord du pays, a Korhogo. Il y sera garde par un chef militaire rebelle, le commandant Martin Kouakou Fofie. Ce dernier fait l.objet de sanctions du conseil de Securite des Nations Unies pour violations des Droits de l.Homme et notamment des arrestations arbitraires et des executions extrajudiciaires, des sevices sexuels sur les femmes, l.imposition de travail force et le recrutement d.enfants soldats.3 11. L.arrestation brutale du President Gbagbo, sa detention a l.hotel du Golf et son transfert a Korhogo sont illegaux: aucune procedure n.a ete ouverte le concernant, aucun mandat d.arret n.a ete emis, aucune charge n.a ete portee contre lui par un juge ou une quelconque autorite. 12. C.est un homme traumatise et fatigue qui est enferme dans une maison appartenant a l.un des proches de Guillaume Soro. Il n.en sortira plus qu.a quelques reprises pendant huit mois. Ses geoliers maintiendront d.abord la fiction que le President Gbagbo est detenu a la Residence Presidentielle de Korhogo ou il ne sera transfere que pour quelques heures afin de rencontrer l.ancien Secretaire General des Nations Unies, Kofi Annan, Desmond Tutu et Mary Robinson en mai 2011 (ces visiteurs illustres pretendront que les conditions de detention du President etaient bonnes) et le Representant Special pour la Cote d.Ivoire du Secretaire General des Nations Unies, Young Jin Choi, qui lui non plus ne trouvera rien a redire aux conditions de detention du President Gbagbo. En realite, a peine les visiteurs partis le President etait raccompagne dans son lieu de detention, sous la garde des hommes du commandant Fofie. 13. Alassane Ouattara fut proclame President de la Republique le 4 mai 2011 par le meme Conseil constitutionnel (Cf. annexe 3) qui avait proclame cinq mois auparavant Laurent Gbagbo President. Certains membres du Conseil Constitutionnel ont denonce les menaces qu.ils avaient alors subies (Cf. annexe 4). 14. Pendant toute sa detention, c.est-a-dire jusqu.au 29 novembre 2011, aucun mandat 3 Le comite du Conseil de securite concernant la Cote d.Ivoire etablit la liste des personnes soumises aux mesures imposees par la resolution 1572 (2004) http://www.un.org/News/fr-press/docs/2006/SC8631.doc.htm. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 5/79 EO PT ICC-02/11-01/11 6/79 24 mai 2012 d.arret ou titre de detention ne sera jamais emis a l.encontre du President Gbagbo. 15. L.auraient-ils ete qu.ils auraient ete illegaux puisque la Constitution et la Loi ivoiriennes prevoient une procedure particuliere lorsqu.il s.agit de poursuivre un ancien President de la Republique (Cf. Infra 2.1.3.2). 16. Le seul acte juridique pose par les Autorites ivoiriennes consiste en l.ouverture le 18 aout 2011 d.une procedure fondee sur les articles 27, 29, 30, 110, 11, 225 , 226, 227, 229, 313, 325, 327, 392, 395, 396 et 397 du code penal a l.encontre du President Gbagbo ; ces articles visent notamment l.appropriation de numeraire, le detournement de deniers publics, la propagation d.allegations mensongeres de nature a ebranler la solidite de la monnaie et le pillage commis en reunion (Cf. annexe 38). 17. Notons que cette procedure a ete ouverte au mepris des dispositions constitutionnelles et legales ivoiriennes (Cf. infra 2.1.4.2). 18. Une demande d.annulation de la procedure et de mise en liberte fondee sur la violation des dispositions constitutionnelles et legales ivoiriennes et sur le non-respect des droits de l.interesse a ete deposee le 19 aout 2011 ; elle est toujours pendante (Cf. annexe 5). 19. Meme apres le 18 aout 2011, a aucun moment, un quelconque titre justifiant la detention du President Gbagbo ne sera emis par une quelconque Autorite ivoirienne, judiciaire ou administrative. 20. Au cours de cette detention arbitraire, le President Gbagbo fut victime quotidiennement de mauvais traitements et d.actes de torture. 21. Enferme dans une chambre de trois metres sur trois, sans pouvoir faire le moindre exercice, sans pouvoir meme marcher a l.exterieur de la maison, peu nourri et surtout ne disposant pas des medicaments necessaires au traitement de ses pathologies, le President Gbagbo s.affaiblit rapidement4 (Cf. annexes 6 et 7). Au bout de quelques semaines, il est meconnaissable et ne peut plus se deplacer sans aide. Malgre les demandes de son medecin, 4 Premier et second rapports medicaux du medecin personnel du President Gbagbo (annexes 6 et 7). ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 6/79 EO PT ICC-02/11-01/11 7/79 24 mai 2012 ces geoliers refusent de le soigner de maniere decente et meme de le faire examiner dans un environnement hospitalier. 22. A ce regime, ayant pour objectif de l.epuiser physiquement et moralement, s.ajoutent les pressions psychologiques : pendant les huit mois de sa detention il lui est interdit de communiquer avec les membres de sa famille et avec ses Avocats, lesquels ne peuvent lui rendre visite qu.a de tres rares reprises et apres avoir surmonte de tres grandes difficultes (Cf. Infra 2.1.2). 23. L.etat de sante du President se degrade a tel point que, d.apres les quelques rares visiteurs et d.apres son medecin . lui aussi enferme de maniere arbitraire . la situation devient, a partir du mois d.octobre 2011, critique5. 24. Le medecin expert, mandate par la defense peu de temps apres l.arrivee du President Gbagbo a La Haye, precise dans son rapport du 31 mars 2012 que les conditions de detention du President Gbagbo ¡ì doivent etre considerees comme une forme de mauvais traitement aussi serieux que des abus physiques et la torture ¡í. Il precise : ¡ì l.isolement est habituellement utilise pour casser les prisonniers ¡í6 (Cf. annexe 8). Il ajoute que l.etat de sante preoccupant du President Gbagbo resulte d.un traitement de ce qui ¡ì doit etre regarde comme des mauvais traitements et meme comme de la torture ¡í 7. 25. Le mauvais etat de sante actuel du President Gbagbo resulte d.apres lui de ces tortures et revele typiquement un ¡ì syndrome de l.hospitalisation ¡í8. 26. Il precise : ¡ì Les problemes medicaux actuels du President Gbagbo proviennent des conditions inhumaines de sa detention ¡í 9. 27. Les Autorites politiques et judiciaires ivoiriennes, ainsi que les responsables de l.ONUCI, sont au courant de cet etat de fait (Cf. annexes 9 et 10), de meme que le Procureur pres la Cour Penale Internationale (ci-apres ¡ì CPI ¡í ou ¡ì la Cour ¡í), dont l.attention est attiree a plusieurs reprises sur l.etat de sante preoccupant du President Gbagbo, notamment les 28 octobre et 13 novembre 2011 par les Avocats du President qui lui indiquent: 5 Idem. 6 Rapport du medecin expert date du 31 mars 2012, point 5 (i) (annexe 8). 7 Idem, point 7(a). 8 Idem, point 7 (b). 9 Idem, point 8 (a). ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 7/79 EO PT ICC-02/11-01/11 8/79 24 mai 2012 ¡ì comme vous ne l.ignorez pas, le President Laurent Gbagbo a ete detenu sans mandat du 11 avril 2011 au 18 aout 2011 et ses droits ont ete, jusqu.a aujourd.hui, continument violes. Le 18 aout 2011, il a ete inculpe pour des crimes economiques qu.il aurait, selon les Autorites ivoiriennes, commis. Cette inculpation ne repond en aucun cas aux criteres etablis par la loi ivoirienne tant sur le fond que sur la forme. Par consequent la detention du President Gbagbo du 11 avril 2011 a aujourd.hui s.analyse juridiquement en une detention arbitraire. De plus, vous n.etes pas sans savoir qu.il est a la merci de son geolier, le commandant Fofie, un chef de guerre contre lequel pesent un certain nombre de soupcons concernant son comportement avant, pendant et apres la crise electorale. Le commandant Fofie decide arbitrairement des visites que peut recevoir ou pas le President Gbagbo, y compris de celles de ses Avocats. Le commandant Fofie decide tout aussi arbitrairement des conditions de detention du President Gbagbo, lequel n.est pas autorise a sortir de la maison ou il est enferme. Apres sept mois de ce regime, le President Gbagbo est dans un grand etat de faiblesse psychique et physique. Sa situation est d.autant plus eprouvante qu.il lui est interdit de communiquer avec le monde exterieur ¡í ; et lui demandent d.exiger ¡ì des Autorites Ivoiriennes que soient sanctionnes les responsables de ces violations repetees des dispositions legales et constitutionnelles ivoiriennes et violations des dispositions des conventions internationales auxquelles la Cote d.Ivoire est partie ; [¡¦] ¡í et lui demandent de prevenir ¡ì les Autorites ivoiriennes que [qu.il] les tiendrez pour responsables de toute deterioration de l.etat de sante du President Gbagbo ¡í. Ils precisent que si le Procureur ne ferait ¡ì rien pour mettre fin a ces abus intolerables, ce serait compris comme une volonte de votre part de couvrir la violation des droits du President Gbagbo et sa detention arbitraire ¡í (Cf. annexes 11 et 12)10. Il convient de noter qu.a aucun moment, ni les responsables ivoiriens, ni le Procureur pres la CPI, ne semblent avoir agi pour faire cesser ces atteintes gravissimes aux droits du President Gbagbo. La demande du Procureur aupres de la Chambre preliminaire visant a obtenir l.autorisation de delivrer un mandat d.arret a l.encontre du President Gbagbo datant du 25 octobre 2011, il appartenait au Procureur de prendre les informations necessaires et d.agir en consequence. 28. Le vendredi 25 novembre 2011 les Avocats du President Gbagbo sont informes de ce que, dans le cadre de la procedure initiee le 18 aout 2011, le Juge d.Instruction se rendra a Korhogo le lundi suivant 28 novembre pour entendre leur client. 10 Lettre de l.Avocat du President Laurent Gbagbo au Procureur pres la Cour Penale Internationale datee du 28 octobre 2011 (annexe 11) et Lettre de l.Avocat du President Laurent Gbagbo au Procureur pres la Cour Penale Internationale datee du 13 novembre 2011 (annexe 12). ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 8/79 EO PT ICC-02/11-01/11 9/79 24 mai 2012 29. Malgre la difficulte qu.ils ont de trouver un moyen de locomotion economique en aussi peu de temps les Avocats parviennent a Korhogo a temps pour assister le President Gbagbo (Cf. annexe 13). 30. L.entretien a peine commence, il est repousse au lendemain 29 novembre. Ce jour la, les Avocats du President Gbagbo sont conduits, sans que personne ne les ait prevenus de ce qui allait se passer, dans une salle ou siege la Chambre d.Accusation d.Abidjan, clandestinement reunie pour decider du transfert du President Gbagbo a la CPI. 31. Il convient de noter, bien que les magistrats ivoiriens aient indique aux Avocats qu.ils venaient de recevoir le mandat d.arret et la demande de transfert, qu.en realite, le transfert avait ete minutieusement prepare. En effet, le transport d.Abidjan a Korhogo de magistrats, Greffiers, personnels administratifs, gardes, avait eu lieu le samedi precedent le 26 novembre 2011 de maniere secrete avec le soutien de l.ONUCI. Il avait ete planifie les jours precedents des avant la decision de la CPI datee du 23 novembre 2011. 32. Cette operation d.ailleurs avait ete precedee par une rencontre entre Alassane Ouattara et le Procureur Ocampo11. 33. Le but de l.operation etait de prendre par surprise les Avocats du President Gbagbo. 34. Les demandes de ces derniers visant a obtenir . conformement a la Loi ivoirienne . un report de l.audience de quelques jours, de maniere a pouvoir s.organiser et preparer leur defense, furent rejetees (Cf. annexe 13). 35. De meme, leurs demandes visant a deposer un memoire dans lequel ils pointaient les arguments de droit permettant de s.opposer au transfert furent aussi rejetees (Cf. annexe 13). 36. La defense, reduite au silence, dut assister a une parodie d.audience (Cf. annexe 13). 37. Il ressort des documents transmis le 2 decembre 2011 a la defense que les promoteurs de l.operation etaient, lors de l.audience, en contact constant avec des representants de la CPI12. 11 L¡¯Express, Vincent Hugueux, ¡ì discrete rencontre Ouattara-Ocampo a Paris ¡í, 27 novembre 2011, disponible sur http://www.lexpress.fr/actualite/monde/discrete-rencontre-ouattara-ocampo-a-paris_1055445.html. 12 Information to the Chamber and the execution of the request fot arrest and surender of Laurent Koudou Gbagbo, 2 decembre 2011, annexes 1, 3, 4, 5 et 12, ICC-02/11-01/11-12; recommandations sollicitees par les autorites ivoiriennes sur la demande de liberte provisoire deposee par Laurent Koudou Gbagbo, 29 novembre 2011, ICC-02/11-01/11-84. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 9/79 EO PT ICC-02/11-01/11 10/79 24 mai 2012 38. Lors de l.audience, les hommes du commandant Fofie, lourdement armes et l.air menacant, surveillaient les Juges (Cf. annexe 13). 39. C.est le commandant Fofie lui-meme qui obligea les Juges a mettre fin a l.audience et a se prononcer (Cf. annexe 13). 40. A l.issue de l.audience, les magistrats assurerent aux Avocats et au President Gbagbo que celui-ci serait reconduit a son lieu de detention et qu.il pourrait former un pourvoi contre le transferement les jours suivants. 41. En realite le President Gbagbo fut emmene directement du Palais de Justice de Korhogo a l.aeroport et c.est ainsi qu.il arriva a Rotterdam le lendemain matin, sans meme un vetement de rechange. I. DISCUSSION Introduction 42. La Cour Penale Internationale est le premier tribunal international permanent ayant competence pour juger de la responsabilite d.auteurs presumes des ¡ì crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communaute internationale ¡í13. Elle nait d.une volonte, maintes fois repetee, mais souvent laissee lettre morte, que ne se produisent plus ces crimes qui ont souille, au cours des siecles, l.histoire humaine et offense la conscience de l.humanite. Elle fait renaitre de ce fait les espoirs de ceux qui, des chancelleries aux ministeres, des campagnes isolees aux camps de refugies, voient en elle le catalyseur d.une justice penale internationale enfin efficace et faisant la promotion des valeurs universelles des droits humains. 43. Cet espoir, cette noble fonction de la Cour, fait a son tour naitre une grande responsabilite de cette institution, celui de l.exemplarite. La justice internationale ne peut etre credible, legitime, et donc efficace, sans que ne soit lui-meme juste l.exercice de sa fonction et donc que soient respectees les regles du proces equitable. Ce souci d.exemplarite a participe a la creation des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo apres la seconde guerre mondiale. Alors que Churchill ou Roosevelt voulait que les haut-responsables nazis captures soient fusilles sans autre forme de proces, un petit groupe d.individus a estime qu.on ne pouvait repondre a la barbarie par la barbarie et que ce serait deja une victoire sur celle-ci 13 Preambule du Statut de la Cour Penale Internationale, ci-apres ¡ì Le Statut ¡í. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 10/79 EO PT ICC-02/11-01/11 11/79 24 mai 2012 d.accorder aux accuses, les droits qu.ils avaient nies a des millions d.individus. En d.autres termes, le telos de la lutte contre l.impunite n.a de sens que s.il est impregne de l.ethos d.une justice equitable. 44. Cette ethique de la responsabilite et ce devoir d.exemplarite fondent notre requete, et c.est tout naturellement que la defense se porte devant leurs garants, les juges de la Cour, qui, ont, au-dela de la fonction de juger, ont la charge digne de rendre justice. Ils sont a ce titre les gardiens de la legitimite de la Cour, sans laquelle les ambitions de la justice internationale resteraient, une fois encore, un voeu pieux. 45. Par la presente requete, la defense demande donc a la Cour de reaffirmer ces principes en reconnaissant les atteintes repetees des droits de Laurent Gbagbo dans toute la procedure ayant conduit a son transfert a la Cour, en violation non seulement avec la lettre du Statut, mais egalement avec l.esprit d.equite qui fonde la justice internationale depuis ses premiers balbutiements jusqu.a sa concretisation la plus aboutie a Rome en 1998. Ce sera l.objet de la seconde partie. 46. Mais il convient d.abord dans une premiere partie d.analyser dans quelle mesure la CPI peut avoir ou pas competence au regard des articles 12 (3) et 19 (2) du Statut pour avoir a connaitre des crimes vises par le Procureur dans le Document Contenant les Charges puisque la Cote d.Ivoire n.a pas ratifie le Traite de Rome. De ce fait, et en l.absence d.une resolution du Conseil de securite, seule une declaration faite en vertu de 12(3) peut reconnaitre la competence de la Cour et l.importance de ce document merite qu.on s.y attarde dans un attachement fidele a l.esprit et a la lettre du Statut de Rome et du droit international. Il est en effet crucial que pour que les interventions de la Cour conservent tout leur poids, elles s.inscrivent dans le cadre strict du Statut. Pour conserver a la Cour toute sa capacite d.action, il est primordial qu.elle ne depasse pas le champ de sa competence ; a defaut elle affaiblirait grandement son prestige et son autorite. Il est donc necessaire que la Cour respecte a la lettre tant les dispositions du Statut que les principes de droit international. afin qu.elle n.intervienne pas au-dela de la competence qui lui est reconnu. Or, d.apres ceci la Cour ne peut etre competente en l.espece comme il sera demontre ci-apres. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 11/79 EO PT ICC-02/11-01/11 12/79 24 mai 2012 1. Sur l¡¯incompetence de la Cour analysee au regard des articles 12 (3) et 19 (2) du Statut 47. Dans le Document Contenant les Charges remis a la defense le 16 mai 2012, le Procureur avance que, bien que la Cote d.Ivoire ne soit pas partie au traite, son gouvernement avait le 1er octobre 2003 ¡ìpar declaration datee du 18 avril de cette meme annee, [¡¦] reconnu la competence de la Cour pour juger les crimes commis sur le territoire ivoirien a compter du 19 septembre 2002. Cette declaration autorise donc la Cour a exercer sa competence conformement a l.article 12 (3) du Statut de Rome. Le 14 decembre 2010, le Procureur, le President et le Greffier de la Cour ont recu une lettre de M. OUATTARA, en sa qualite de President de la Cote d.Ivoire, confirmant la prorogation de la validite de la Declaration du 18 avril 2003. Une deuxieme lettre a cet effet a ete recue le 4 mai 2011 ¡í. 48. Dans un premier temps, la defense entend demander a la Chambre d.examiner sa competence au regard de la validite de la declaration de 2003 (Cf. annexe 16) faite en reference a l.article 12 (3) ainsi qu.au regard des courriers rediges par Alassane Ouattara le 14 decembre 2010 et le 3 mai 2011 (Cf. annexes 14 et 15). 1.1 Sur la validite et la portee de la declaration de reconnaissance de la competence de la Cour 49. Un Etat non-partie au Statut de Rome peut reconnaitre la competence de la Cour penale internationale par le biais d.une declaration faite en vertu de l.article 12 (3) du Statut de Rome, redige comme suit : Si l¡¯acceptation de la competence de la Cour par un Etat qui n¡¯est pas Partie au present Statut est necessaire aux fins du paragraphe 2, cet Etat peut, par declaration deposee aupres du Greffier, consentir a ce que la Cour exerce sa competence a l¡¯egard du crime dont il s¡¯agit. L¡¯Etat ayant accepte la competence de la Cour coopere avec celle-ci sans retard et sans exception conformement au chapitre IX. 50. Cette declaration doit etre deposee aupres du Greffe de la Cour conformement a la Regle 44(2) du Reglement de procedure et de preuve14. Elle a pour consequence d.engager 14 Reglement de procedure et de preuve, Regle 44(2): ¡ì Lorsqu.un Etat depose aupres du Greffier ou fait savoir a celui-ci qu.il a l.intention de deposer la declaration prevue au paragraphe 3 de l.article 12, ou lorsque le Greffier agit selon la disposition 1 ci-dessus, le Greffier informe l.Etat concerne que sa declaration emporte acceptation de la competence de la Cour a l.egard des crimes vises a l.article 5 auxquels renvoie la situation consideree, et que les dispositions du Chapitre IX du Statut ainsi que toutes les regles qui en decoulent concernant les Etats Parties lui sont applicables ¡í. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 12/79 EO PT ICC-02/11-01/11 13/79 24 mai 2012 l.Etat en question a cooperer ¡ì sans retard et sans exception ¡í15 avec la Cour. 51. La Cote d.Ivoire a signe le Statut de Rome le 30 novembre 1998 mais ne l.a pas, a ce jour, ratifie. 52. Le 18 avril 2003, le Ministre des affaires etrangeres de la Cote d.Ivoire, Mamadou Bamba, a envoye au Greffe de la Cour penale internationale une declaration de reconnaissance de la competence de la Cour penale internationale pour des crimes commis sur le territoire de la Cote d.Ivoire ¡ì depuis les evenements du 19 septembre 2002 ¡í. La Defense invite la Cour a conclure que le cadre de l.invite faite a la Cour determine dans ce courrier ne porte . conformement a la lettre de l.article 12 (3) . que sur un crime particulier, ici le coup d.etat du 19 septembre 2002 et ses consequences : les massacres commis par les rebelles. Vu le contexte politique de l.epoque, en aucun cas peut-il etre impute a l.auteur de la declaration l.intention que celle-ci se projette indefiniment dans le temps. Le cadre temporel ne saurait donc logiquement depasser le 18 avril 2003, et dans tous les cas ne saurait s.etendre jusqu.aux evenements de 2010. 53. La defense est egalement d.avis que le courrier en date du 14 decembre 2010, redige par Alassane Ouattara, et visant a confirmer la declaration de 2003 du Ministre des affaires etrangeres de la Cote d.Ivoire, ne constitue pas une declaration valide au sens de l.article 12(3) du Statut de Rome et doit donc etre ignore par la Cour. A l.epoque de la redaction de ce courrier, Alassane Ouattara n.etait de fait pas President de la Republique de Cote d.Ivoire et donc pas un representant de l.Etat habilite a engager ce dernier. La declaration de 2010 ne peut donc constituer, en tant que telle, une declaration en vertu de l.article 12(3) du Statut de Rome ni une confirmation valide d.une telle declaration. 54. Enfin, le courrier du 3 mai 2011, pareillement redige par Alassane Ouattara, et demandant au Procureur de la Cour penale internationale d.enqueter sur des crimes commis en Cote d.Ivoire a partir du 28 novembre 2010, ne constitue pas une declaration valide en vertu de l.article 12(3) du Statut de Rome. D.abord, elle ne respecte pas les conditions de forme imposees par l.article 12(3). Ensuite, cette lettre, en indiquant au Procureur la direction que devrait prendre son enquete, s.apparente plutot a un renvoi, reserve aux Etats parties. Elle 15 Statut de Rome, article 12(3) : ¡ì ¡¦ L'Etat ayant accepte la competence de la Cour coopere avec celle-ci sans retard et sans exception conformement au chapitre IX ¡í. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 13/79 EO PT ICC-02/11-01/11 14/79 24 mai 2012 ne peut donc pas, en tant que telle, representer une declaration au regard de l.article 12(3) du Statut de Rome. Enfin, encore une fois, au moment de sa redaction, Alassane Ouattara ne pouvait etre considere legalement President de la Republique de Cote d.Ivoire et n.etait donc pas habilete a engager l.Etat. 55. La defense presentera d.abord ses arguments relatifs a la declaration de 2003 emise par le Ministre des affaires etrangeres de la Cote d.Ivoire, puis ceux relatifs aux lettres redigees par Alassane Ouattara en 2010 et en 2011. 1.2 La declaration du 18 avril 200316 56. La defense tient a rappeler que la declaration du 18 avril 2003 n.a pas pour le moment fait l.objet d.une interpretation par la Chambre. Ainsi, dans une decision anterieure: La Chambre a conclu, sur la base de la declaration du 18 avril 2003 et des lettres de decembre 2010 et mai 2011, que la Cour est competente pour connaitre des crimes qui auraient ete commis en Cote d.Ivoire depuis le 19 septembre 2002. En effet, puisque la Cote d.Ivoire a confirme en 2010 et 2011 qu.elle reconnaissait la competence de la Cour, il n.est pas necessaire que la Chambre apprecie si la Declaration faite en 2003 aurait pu, a elle seule, couvrir les crimes qui auraient ete commis en 2010 et 2011 17. 57. Or la defense estime qu.au vu des doutes qui pesent sur la legalite et la pertinence juridique des lettres du 14 decembre 2010 et du 3 mai 2011, la Chambre ne saurait faire l.economie d.une telle interpretation. 58. A cet egard, la defense invite la Chambre a constater, a la lumiere du Statut de Rome et du droit international applicable, que le cadre de la reconnaissance opere par la declaration est limite aux evenements et au contexte politique de l.epoque. 1.2.1 Droit Applicable 59. La question de la portee de la declaration faite le 18 avril 2003 est regie par les articles suivants des textes fondamentaux. 16 Declaration de reconnaissance de la competence de la Cour penale internationale de la Republique de Cote d.Ivoire du 18 avril 2003 (annexe 16). 17 Rectificatif a la Decision relative a l.autorisation d.ouverture d.une enquete dans le cadre de la situation en Republique de Cote d.Ivoire rendue en application de l.article 15 du Statut de Rome, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, 15 novembre 2011, par. 15. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 14/79 EO PT ICC-02/11-01/11 15/79 24 mai 2012 60. L.article 12(3) prevoit que : Si l'acceptation de la competence de la Cour par un Etat qui n'est pas Partie au present Statut est necessaire aux fins du paragraphe 2, cet Etat peut, par declaration deposee aupres du Greffier, consentir a ce que la Cour exerce sa competence a l'egard du crime dont il s'agit. L'Etat ayant accepte la competence de la Cour coopere avec celle-ci sans retard et sans exception conformement au chapitre IX. 61. La Regle 44(2) du Reglement de Procedure et de Preuve prevoit que : Lorsqu.un Etat depose aupres du Greffier ou fait savoir a celui-ci qu.il a l.intention de deposer la declaration prevue au paragraphe 3 de l.article 12, ou lorsque le Greffier agit selon la disposition 1 ci-dessus, le Greffier informe l.Etat concerne que sa declaration emporte acceptation de la competence de la Cour a l.egard des crimes vises a l.article 5 auxquels renvoie la situation consideree, et que les dispositions du Chapitre IX du Statut ainsi que toutes les regles qui en decoulent concernant les Etats Parties lui sont applicables. 1.2.2 Remarques generales d¡¯interpretation de l¡¯article 12(3) 62. La defense tient des a present a souligner un certain nombre d.elements. 63. Tout d.abord, une declaration faite sous l.article 12 (3), n.est pas equivalente a un renvoi par un Etat-Partie, au sens de l.article 13 du Statut de Rome. La pratique de la Cour elle-meme confirme cela, dans la mesure ou, malgre la declaration, le Procureur a tout de meme du demander l.ouverture d.une enquete en vertu de l.article 15. 64. A ce titre, la declaration sert a definir le cadre de reconnaissance de competence dans lequel la Cour peut exercer ses prerogatives et de ce fait se situe en amont de toute consideration de la determination de la situation, au sens du Statut, laquelle determine le cadre de l.exercice de competence de la Cour. Cette precision est importante car elle implique que la situation, telle que determinee par la Cour sur la base des elements avances par le Procureur, ne saurait depasser ce cadre de reconnaissance de competence qui decoule de la declaration faite sous l.Article 12(3). Il ressort deux consequences de cette difference. 65. Premierement, la defense, si elle conteste que la declaration du 18 avril 2003 ait pu avoir pour vocation a couvrir des evenements allant jusqu.en avril 2011, ne conteste pas qu.il ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 15/79 EO PT ICC-02/11-01/11 16/79 24 mai 2012 puisse exister, comme la Cour l.a reconnu18, une seule et meme situation entre 2002 et 2010. Ce sont deux choses differentes qui ne sauraient etre confondues. 66. Deuxiemement, si l.interpretation des renvois par un Etat-Partie, et des situations qu.ils couvrent, ressort en grande partie de la discretion des Chambres dans le cadre deja accepte de la reconnaissance de competence qui decoule de la ratification du Statut par l.Etat, l.interpretation d.une declaration sous 12 (3) doit etre exclusivement appuyee sur l.intention de l.Etat l.ayant deposee, sous peine que la Cour agisse en dehors de la competence qui lui est unilateralement reconnue par la declaration, et donc agisse ultra vires. 67. Cette necessite d.interpretation stricte, et fondee exclusivement sur l.intention de la Cote d.Ivoire, est confortee par le fait qu.une declaration faite en vertu de 12 (3) non seulement reconnait la competence de la Cour pour une ¡ì situation donnee ¡í, mais cree egalement des obligations de cooperation unilaterales pour la Cote d.Ivoire. Elle a donc une double fonction et son interpretation doit satisfaire aux deux. A ce titre, la declaration constitue en droit international, une declaration unilaterale. 68. Or pour qu.une declaration unilaterale ait des effets juridiques, l.element essentiel est le consentement et donc l.intention de l.Etat19. Comme le rappelle la Cour Internationale de Justice, en matiere de declaration unilaterale, ¡ì tout depend donc de l.intention de l.Etat considere ¡í20. En effet, contrairement a un traite, qui reunit deux ou plusieurs intentions afin de creer des obligations juridiques, c.est uniquement l.intention d.un Etat qui fait naitre des obligations dans le cas d.une declaration unilaterale, et cette intention doit faire l.objet d.une attention particuliere. Cette importance de l.intention de l.Etat, consequence naturelle de la dimension consensuelle du droit international, et affirmee par la Cour Internationale de Justice, a fait l.objet de nombreuses applications par differentes institutions internationales. A titre d.exemple, et de facon pertinente pour notre cas d.espece : [i]n interpreting a unilateral declaration that is alleged to constitute consent by a sovereign State to the jurisdiction of an international tribunal, consideration must 18 Decision relative a la communication par l.Accusation de renseignements supplementaires concernant des crimes commis entre 2002 et 2010 susceptibles de relever de la competence de la Cour, 22 fevrier 2012, ICC-02/11-36-tFRA (nous soulignons). 19 Convention de Vienne sur le droit des Traites, 23 mai 1969, entree en vigueur le 27 janvier 1980, Recueil des Traites, vol. 1155, p. 331 (¡ì convention de Vienne ¡í), articles 34-35. 20 Affaire du differend frontalier (Burkina Faso/Republique du Mali), Arret du 22 decembre 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 573, par. 39. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 16/79 EO PT ICC-02/11-01/11 17/79 24 mai 2012 be given to the intention of the government at the time it was made.21 69. Il s.agit donc d.observer la plus grande prudence dans l.interpretation d.une declaration unilaterale afin de respecter au maximum le consentement de l.Etat. A cet egard, il convient de rappeler que la nature des declarations unilaterales fait que les regles d.interpretation de la Convention de Vienne ne sont pas directement applicables, et ne peuvent l.etre que par analogie lorsqu.elles sont compatibles avec cette nature unilaterale22. Or l.importance accrue de l.intention de l.Etat dans le cadre present justifie des regles legerement differentes de celles de la Convention de Vienne. 70. A ce titre, la defense porte a l.attention de la Chambre preliminaire les Principes directeurs applicables aux declarations unilaterales des Etats susceptibles de creer des obligations juridiques adoptes en 2006 par la Commission de Droit International sur la base d.une pratique constante des Etats. La defense invite la Chambre a les prendre en compte en vertu de l.article 21(1)(b) du Statut qui dispose que la Cour applique ¡ì selon qu.il convient, les traites applicables et les principes et regles du droit international, y compris les principes etablis du droit international des conflits armes ¡í23. Ce document rappelle ainsi des principes qui s.averent pertinent dans l.interpretation de la declaration du 18 avril 2003. Parmi ceux-ci on peut evoquer les principes 3 et 7 selon lesquels : Principe 3. Pour determiner les effets juridiques de telles declarations, il convient de tenir compte de leur contenu, de toutes les circonstances de fait dans lesquelles elles sont intervenues et des reactions qu.elles ont suscitees; Principe 7. Une declaration unilaterale n.entraine d.obligations pour l.Etat qui l.a formulee que si elle a un objet clair et precis. En cas de doute sur la portee des engagements resultant d¡¯une telle declaration, ceux-ci doivent etre interpretes restrictivement. Pour interpreter le contenu des engagements en question, il est tenu compte en priorite du texte de la declaration ainsi que du contexte et des circonstances dans lesquelles elle a ete formulee24. 71. Il ressort de ces principes que a) l.intention doit etre interpretee en prenant en compte le contexte et les circonstances existant au moment ou elle a ete exprimee et b) en cas de doute 21 Southern Pacific Properties (Middle East) Ltd. v. Arab Republic of Egypt (Decision on Jurisdiction), ICSID Case No. ARB/84/3 (14 Apr. 1988), par. 107. 22 Competence en matiere de pecheries (Espagne c. Canada) (Fond) Arret du 4 decembre 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 453, par. 46. Voir aussi Frontiere terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigeria (Cameroun c. Nigeria), exceptions preliminaires, Arret du 11 juin 1998, C.I.J. Recueil 1998, p. 293, par. 30. 23 Nous soulignons. 24 Commission de Droit International, Principes directeurs applicables aux declarations unilaterales des Etats susceptibles de creer des obligations juridiques, adoptes en 2006, Annuaire de la Commission du droit international, 2006, vol. II(2), p. 387, (nous soulignons). ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 17/79 EO PT ICC-02/11-01/11 18/79 24 mai 2012 c.est l.interpretation la plus restrictive qui doit primer. 72. C.est a la lumiere de ces principes que la Defense va a present interpreter la declaration du 18 avril 2003. 1.2.3 L¡¯interpretation de la declaration du 18 avril 2003 73. La declaration du 18 avril 2003 a ete redigee en ces termes : Conformement a l.article 12 paragraphe 3 du statut de la Cour Penale Internationale, le Gouvernement ivoirien reconnait la competence de la Cour aux fins d.identifier, de poursuivre, de juger les auteurs et complices des actes commis sur le territoire ivoirien depuis les evenements du 19 septembre 2002. En consequence, la Cote d.Ivoire s.engage a cooperer avec la Cour sans retard et sans exception conformement au chapitre IX du statut. Cette declaration, faite pour une duree indeterminee, entrera en vigueur des sa signature. 74. La defense soutient que la ¡ì duree indeterminee ¡í de la declaration porte sur la possibilite pour la Cour d.exercer effectivement a sa competence pour des faits determines, et non sur tous les faits se produisant pendant cette ¡ì duree indeterminee ¡í (1.2.3.1). A ce titre, la defense soutient que les faits couverts par la declaration sont circonscris, par principe, a la periode temporelle precedent la declaration (1.2.3.2). Si la Chambre devait rejeter cet argument, la defense soutient qu.a tout le moins la declaration devrait etre lue au regard du contexte politique dans lequel la declaration a ete faite (1.2.3.3). 1.2.3.1 Sur la ¡ì duree indeterminee ¡í de la declaration 75. La defense soutient que l.expression ¡ì pour une duree indeterminee ¡í contenue dans la declaration de 2003 doit etre interpretee comme ayant trait a la duree de validite de la declaration dans le temps et non pas a son contenu, c.est-a-dire a le cadre factuel de la reconnaissance de competence qu.elle opere. Autrement dit, concernant les faits couverts par la declaration, qui sont eux limites comme la defense va le montrer ci-apres, la Cour se voit octroyer la competence de les poursuivre sans limite de temps. 76. Toute autre interpretation aurait pour consequence de rendre la competence de la Cour penale internationale perpetuelle. Or, cela irait definitivement a l.encontre de l.esprit du Statut ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 18/79 EO PT ICC-02/11-01/11 19/79 24 mai 2012 de Rome dans la mesure ou la ratification et l.accession devraient seules permettre a la Cour d.etre competente pour une duree indeterminee pour tous les crimes commis a partir de la ratification. Interpreter autrement la declaration du 18 avril 2003 et le Statut reviendrait a mettre sur un meme pied d.egalite les Etats parties et les Etats non parties et la ratification deviendrait alors superflue. La defense tient a ce titre a rappeler que l.article 12(3) n.a pas vocation a creer des Etats parties. 77. Cela irait par ailleurs contre l.esprit du droit international en matiere de declarations unilaterales, comme la defense a pu le souligner plus tot. Notamment, comme l.a rappele la defense, une declaration doit etre interpretee de facon restrictive et considerer que la declaration porte sur tous les faits depuis le 19 septembre 2002 irait a l.encontre de ce principe de droit international. 1.2.3.2 Le cadre temporel limite de la reconnaissance de competence 78. Un consensus general tend a interpreter la notion de ¡ì crime dont il s.agit ¡í contenue dans l.article 12(3) comme referant a tous les crimes vises a l.article 5 du Statut et resultant ou appartenant a une situation consideree, qui est celle couverte par la declaration25. Cette interpretation est en conformite avec le fait que l.expression ¡ì situation consideree ¡í figure expressement dans la Regle 44 du Reglement de procedure et de preuve de la Cour penale internationale, regle se rattachant a l.article 12(3) du Statut de Rome. De plus, cette expression a ete employee par la Chambre preliminaire III le 15 novembre 2011, confirmant ainsi l.exigence d.une declaration circonscrite et la position de la Cour a cet egard26. 79. La defense soumet par ailleurs a la Cour qu.une declaration en vertu de l.article 12(3) du Statut de Rome doit concerner une situation dans laquelle des crimes ont deja ete commis et ne peut s.etendre dans le temps de facon a ne garder que des liens tenus entre les evenements pertinents. Cette interpretation est confortee par le langage meme de l.Article 12. 25 Cherif Bassiouni, The Legislative History of the International Criminal Court: Introduction, Analysis, and Integrated Text, volume 1, Transnational Publishers, New York, 2005, p. 84-85; Voir aussi W. Schabas, The International criminal court: a commentary on the Rome Statute, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 289. 26 Rectificatif a la Decision relative a l.autorisation d.ouverture d.une enquete dans le cadre de la situation en Republique de Cote d.Ivoire rendue en application de l.article 15 du Statut de Rome, 15 novembre 2011, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, par. 13 : ¡ì Aux termes de l.article 12 (3) du Statut, la competence de la Cour est acceptee, a l.egard ¡ì du crime dont il s.agit ¡í, par declaration deposee aupres du Greffier et, aux termes de la regle 44.2 du Reglement, pareille declaration emporte acceptation de la competence de la Cour a l.egard de tous les crimes relevant de cette competence et commis dans le cadre de la situation consideree ¡í. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 19/79 EO PT ICC-02/11-01/11 20/79 24 mai 2012 Ainsi, l.article 12(3) renvoie a l.Article 12(2) qui parle de ¡ì l.Etat sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu ¡í27 ou de ¡ì l.Etat dont la personne accusee du crime est un ressortissant ¡í28. Ces deux expressions, surtout la premiere, sont clairement retrospectives, plutot que prospectives et une declaration faite sous 12(3) ne saurait etre interpretee autrement. 80. A ce titre la defense soutient que la jurisprudence de la Cour sur le cadre de la situation n.est pas directement pertinente pour interpreter le cadre de la competence octroyee par une declaration sous 12(3). En effet, l.evaluation d.une situation dans le cadre d.un renvoi effectue sous l.article 13 permet a la Cour de ¡ì declencher ¡í une competence qu.elle a deja. En ce sens, une interpretation extensive faite dans ce contexte ne conduit pas la Cour a depasser le cadre theorique de sa competence territoriale ou temporelle. Au contraire, dans le cadre de 12(3), en l.absence d.une declaration, la Cour n¡¯aurait pas competence du tout et cela justifie une interpretation restrictive de la declaration. 81. Plus particulierement, la defense soutient que les decisions de la Chambre concernant l.extension de la situation renvoye par la Republique Democratique du Congo dans l.affaire Mbarushimana en cas de lien avec la situation d.origine29, n.est pas applicable en l.espece, car, en vertu de l.article 12 (3), au-dela de la situation d.origine, la Cour n.a tout simplement pas competence. 82. En application de cela, la defense soutient que la reconnaissance de competence operee par la declaration doit etre presumee comme s.appliquant jusqu.a la date de la declaration. Cette interpretation de bon sens correspond a la lettre et a l.esprit du Statut, ainsi qu.aux regles pertinentes applicables en droit international. 1.2.3.3 Le cadre factuel limite de la reconnaissance de competence 83. Si la Chambre ne devait pas accepter ab initio ce plafond temporel de principe du 18 avril 2003, la defense soutient que la declaration ne peut etre interpretee comme allant au- 27 Statut de Rome, article 12(2)(a). 28 Idem, article 12(2)(b). 29 Le Procureur c. Callixte Mbarushimana, Chambre preliminaire I, Decision relative a la requete du Procureur aux fins de delivrance d'un mandat d'arret a l'encontre de Callixte Mbarushimana, 28 septembre 2010, ICC-01/04-01/10-1-tFRA, par. 6. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 20/79 EO PT ICC-02/11-01/11 21/79 24 mai 2012 dela des evenements qui pouvaient raisonnablement la composer au moment de la declaration. Or, la declaration du 18 avril 2003 a ete redigee dans la foulee des accords de paix de Linas-Marcoussis30. Au moment de la redaction de la declaration, celle-ci ne pouvait raisonnablement viser que les crimes commis dans le cadre de la crise auxquels les accords de paix visaient a mettre un terme. 84. En effet, les Accords de Linas-Marcoussis (Cf. annexe 17) ont ete conclus pour mettre fin a la crise declenchee par la ¡ì tentative de coup d.etat ¡í, comme l.a qualifie elle-meme la commission internationale mise en place par les accords31, d.Alassane Ouattara et de ses proches contre le President Gbagbo. Ces accords prevoient un partage de pouvoir entre les differentes parties en presence, et les conditions d.une reconciliation nationale apaisee. Concernant les crimes qui avaient ete commis, les accords prevoient un double mecanisme. 85. Tout d.abord, il etait prevu qu.une commission internationale soit creee ¡ì qui diligentera des enquetes et etablira les faits sur toute l.etendue du territoire national afin de recenser les cas de violation graves des droits de l.homme et du droit international humanitaire depuis le 19 septembre 2002. ¡í32 Par ailleurs, il etait explicitement prevu que ¡ì les auteurs et complices de ces activites devront etre traduits devant la justice internationale ¡í33. C.est cette derniere disposition des accords qui expliquent la declaration du 18 avril 2003, qui a ete faite par le gouvernement d.union nationale nomme en mars 200334. Il convient de rappeler que, malgre la declaration, la Cour n.a jamais engage la moindre poursuite. 86. Le second mecanisme consistait en la promulgation d.une loi d.amnistie, prevue egalement dans les accords de paix, mais qui exclurait ¡ì les auteurs d.infractions economiques graves et de violations graves des droits de l.homme et du droit international humanitaire. ¡í35 En application de cela, une loi d.amnistie etait adoptee par le gouvernement 30 L.accord de Linas-Marcoussis a ete adopte le 24 janvier 2003. La Table ronde a ete menee par Pierre Mazeaud sous l.egide de la France. 31 Rapport de la Commission d.enquete internationale sur les allegations de violations des droits de l.homme en Cote d.Ivoire, 25 mai 2004, disponible sur http://fr.wikisource.org/wiki/Rapport_de_la_Commission_d%E2%80%99enqu%C3%AAte_internationale_sur_les_all%C3%A9gations_de_violations_des_droits_de_l%E2%80%99homme_en_C%C3%B4te_d%E2%80%99Ivoire#Ev.C3.A9nements_des_18_et_19_septembre_2002. 32 Annexe 17, Annexe VI, par. 2. 33 Idem, Annexe VI, par. 3. 34 Decret de nomination du gouvernement du 13 mars 2003 (annexe 18). 35 Annexe 17, Annexe VII, par. 5. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 21/79 EO PT ICC-02/11-01/11 22/79 24 mai 2012 d.union nationale le 8 aout 2003 ¡ì dans l'esprit des Accords de paix convenus dans le cadre de la crise survenue depuis le 19 septembre 2002 ¡í36. Il est interessant de constater que cette loi couvrent des actes anterieurs au 19 septembre 2002 et va jusqu.aux evenements entourant le coup d.etat37, sans caractere prospectif. Par ailleurs, sont explicitement exclues de la loi les ¡ì infractions visees par les articles 5 a 8 du Traite de Rome sur la Cour Penale Internationale ¡í38. 87. Ces elements montrent bien que la declaration faite le 18 avril 2003 s.inscrit dans le contexte plus large d.un processus de sortie negociee d.une crise debutee le 19 septembre 2002. Il parait donc difficile, a la lumiere de ce contexte, d.imputer aux auteurs de la declaration une intention de faire porter la reconnaissance de competence de facon prospective. A cet egard, la defense insiste sur le fait qu.elle ne conteste pas la realite d.une crise politique qui touche la Cote d.Ivoire de facon continue remontant meme au-dela du 19 septembre 2002, jusqu.au coup d.Etat de 1999. La defense se borne ici a montrer que l¡¯intention des auteurs de la declaration, au moment ou celle-ci a ete faite, etait de couvrir un aspect particulier et facilement identifiable de cette crise, allant du 19 septembre 2002 a la signature des accords de Marcoussis, signes le 24 janvier 2003. 88. Il ressort de ce qui precede, qu.une lecture stricte du Statut ne saurait faire porter le cadre de la reconnaissance de competence opere par la declaration au-dela de 18 avril 2003, et qu.une analyse du contexte politique impliquerait la date butoir du 24 janvier 2003. En tout etat de cause, il apparait etabli que la declaration ne saurait porter sur la periode concernee par l.enquete contre le President Gbagbo, a savoir entre le 16 decembre 2010 et le 12 avril 2011. 89. A cet egard, les lettres d.Alassane Ouattara du 14 decembre 2010 et du 3 mai 2011 n.affectent pas cette conclusion. 1.3 Sur la validite et la portee des lettres du 14 decembre 2010 et du 3 mai 2011 d.Alassane Ouattara39 1.3.1 La lettre du 14 decembre 2010 36 Loi n¡Æ 2003-309 du 8 aout 2003 portant amnistie, Article Premier (annexe 19). 37 Idem, Article 3. 38 Idem, Article 4(d). 39 Cf. annexes 14 et 15. ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 22/79 EO PT ICC-02/11-01/11 23/79 24 mai 2012 90. La lettre du 14 decembre 2010 a ete redigee par Alassane Ouattara suite aux elections presidentielles d.octobre/novembre 2010 en Cote d.Ivoire. Par cette lettre, Alassane Ouattara entendait confirmer la declaration de 2003 : Aussi, en ma qualite de nouveau President de la Republique de Cote d.Ivoire et conformement a l.article 12 paragraphe 3 du statut de Rome qui dispose que : ¡ì Si l¡¯acceptation de la competence de la Cour par un Etat qui n¡¯est pas partie au present Statut est necessaire aux fins du paragraphe 2, cet Etat peut, par declaration deposee aupres du Greffier, consentir a ce que la Cour exerce sa competence a l¡¯egard du crime dont il s¡¯agit. L¡¯Etat ayant accepte la competence de la Cour coopere avec celle-ci sans retard et sans exception conformement au chapitre IX ¡í, j.ai l.honneur de confirmer la declaration du 18 avril 2003. A ce titre, j.engage mon pays, la Cote d.Ivoire, a cooperer pleinement et sans delai avec la Cour Penale Internationale, notamment en ce qui concerne tous les crimes et exactions commis depuis mars 2004. 91. D.abord et avant tout, la defense soumet respectueusement a la Cour que cette lettre n.est pas une ¡ì declaration ¡í au sens de l.article 12(3). En effet, elle se veut simplement une confirmation de la declaration de 2003. C.est d.ailleurs ce que la Cour a elle-meme conclu en ne parlant que de ¡ì lettre ¡í qui confirmerait la declaration de 2003, plus que de ¡ì declaration ¡í a proprement parler40. Ainsi, elle ne peut etre consideree comme ayant une quelconque valeur juridique pour la Cour, notamment aux fins de determiner ou etendre le cadre de la reconnaissance de competence opere par la declaration de 2003. 92. Toutefois, si la Cour devait considerer que la lettre de decembre 2010 constitue bien une declaration, la defense soutient qu.elle ne saurait avoir d.effet juridique en raison de sa non-conformite avec les exigences de l.article 12(3). 93. En effet, l.article 12(3) est clair : seul un ¡ì Etat ¡í peut faire une declaration en vue d.accepter la competence de la Cour. Pour qu.une telle declaration emporte des effets de droit, elle doit etre imputable a un organe ou a une personne ayant competence pour engager l.Etat. Il ne fait a ce titre aucun doute que le Chef d.Etat dispose de cette capacite d.engager l.Etat41. 40 Rectificatif a la Decision relative a l.autorisation d.ouverture d.une enquete dans le cadre de la situation en Republique de Cote d.Ivoire rendue en application de l.article 15 du Statut de Rome, 15 novembre 2011, ICC-02/11-14-Corr-tFRA, par. 15. 41 Commission de Droit International, Principes directeurs applicables aux declarations unilaterales des Etats susceptibles de creer des obligations juridiques, adoptes en 2006, Annuaire de la Commission du droit international, 2006, vol. II(2), p 387, 4eme principe : ¡ì ¡¦ En vertu de leurs fonctions, les chefs d.Etat, les chefs de gouvernement et les ministres des affaires etrangeres sont habilites a former de telles declarations ¡í ; ICC-02/11-01/11-129 25-05-2012 23/79 EO PT ICC-02/11-01/11 24/79 24 mai 2012 94. Or, la defense soumet qu.Alassane Ouattara ne pouvait etre considere comme le Chef d.Etat legitime de la Cote d.Ivoire au moment de la redaction de ladite lettre. La defense soutient que lorsque l.autorite d.un representant de l.Etat a engager ce dernier sur le plan international et donc au regard du Statut de Rome est contestee, une attention toute particuliere doit etre portee a la legalite de l.acte au regard du droit interne et notamment au regard de la Constitution. Un organe international tel que la Cour ne saurait donner d.effets juridiques au sens de son Statut a un acte provenant d.une personne qui n.a pas, dans les faits et dans le droit, le pouvoir de lier cet Etat. La legitimite d.un gouvernement et ses representants repose sur l.origine de son pouvoir et s.appuie sur la Constitution nationale qui en edicte les regles42. Cette importance de la constitutionalite de l.arrivee au pouvoir est une constante en droit international. En effet, la legalite interne d.un gouvernement touche a son effectivite democratique et un critere fondamental de sa legitimite43. Par ailleurs, en matiere de droit des traites, la Convention de Vienne prevoit qu.une violation manifeste d.une regle interne d.importance fondamentale peut vicier le consentement de cet Etat44. 95. La Constitutionalite est d.autant plus importante sur un continent africain qui a connu pres de deux cents coups d.Etat (tentatives ou reussites) depuis la seconde guerre mondiale45 et qui tente d.etablir une culture d.Etat de droit. A ce titre, il est notable de constater que l.Union Africaine a adopte en 2007 une Charte Africaine de la Democratie, des elections et de la Gouvernance. Dans cette Charte, les signataires s.estiment ¡ì preoccupes par les changements anticonstitutionnels de gouvernement qui constituent l.une des causes essentielles d.insecurite, d.instabilite, de crise et meme de violents affrontements en Afrique ¡í46. En reconnaissance de cette preoccupation, la Charte prevoit des mesures fermes en cas de ¡ì changement anticonstitutionnel de gouvernement ¡í, pouvant aller jusqu.a la Convention de Vienne sur le droit des traites, 1969, Nations Unies, Recueil des Traites, vol. 1155, p. 331, art. 7(2)(a) ; CIJ, Activites armees sur le territoire du Congo (Nouvelle requete : 2002) (Republique democratique du Congo c. Rwanda), competence et recevabilite, Arret du 3 fevrier 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 6, par. 46 : ¡ì [C].est une regle de droit international bien etablie que le chef de l'Etat, le chef de gouvernement et le ministre des affaires etrangeres sont reputes representer l'Etat du seul fait de l.exercice de leurs fonctions, y compris pour l.accomplissement au nom dudit Etat d.actes unilateraux ayant valeur d.engagement international ¡í. 42 Jean D.Apresmont, ¡ì Legitimacy of Governments in the Age of Democracy ¡í (2006) 38 N.Y.U. J. Int'l L. & Pol. 877 a la page 905. 43 Cf. L.T. Galloway, Recognizing Foreign Governments: The Practice of the United States (1978), 137-138. 44 Convention de Vienne, article 46. 45 Department for international development, Conflict trends in Africa, 1946-2004, Annexe 2b ¡°Coups d.Et
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